Quelques repères pour comprendre les informations des étiquettes

Apprendre à choisir les aliments que nous mangeons est un véritable « superpouvoir ». Autrefois, cette capacité à discerner ce qui nous convient s’exerçait dans la nature ; aujourd’hui, elle se déploie face aux immenses linéaires de nos supermarchés. La fonction ancestrale « observer-choisir » s’est transformée en « décrypter-choisir » les étiquettes alimentaires.

Ces étiquettes, bien qu’encadrées par une réglementation précise, peuvent sembler cryptiques. Pourtant, en apprenant à les lire, vous retrouvez une liberté fondamentale : celle de comprendre vos choix. Cette compréhension n’évite pas l’étape du choix lui-même – accepter ou renoncer –, qui relève d’un processus intérieur plus complexe. Mais elle en est le prérequis indispensable.

Pour vous guider, commençons par poser quelques repères simples et concrets. Suivez le guide.

La Liste des Ingrédients : La Vérité sur la Composition

Quelques précisions réglementaires et scientifiques :

  • Ordre décroissant : C’est une exigence du Règlement (UE) N°1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires. L’ingrédient le plus lourd (en poids) est listé en premier. C’est effectivement un signal crucial : si un sucre, une graisse ou un sel arrive dans les trois premiers, le produit est très probablement ultra-transformé.

  • Les pourcentages : Ils sont obligatoires pour les ingrédients mis en avant dans le nom ou via une image (ex: « tarte aux pommes » -> le pourcentage de pommes est indiqué).

  • Les « sous-ensembles » ou ingrédients composites :  La réglementation permet de lister un ingrédient composé (comme le chocolat) avec ses propres ingrédients entre parenthèses. C’est une technique courante pour « diluer » la présence du sucre dans la liste globale.

  • La règle d’or : Moins il y a d’ingrédients, mieux c’est. Cette idée est au cœur de la classification NOVA, un système reconnu par l’OMS et utilisé par Santé Publique France, qui classe les aliments selon leur degré de transformation. Les groupes 1 (aliments non transformés) et 2 (ingrédients culinaires) ont des listes très courtes, contrairement au groupe 4 (aliments ultra-transformés).

Principe à retenir : Le premier ingrédient est le plus présent. Assurez-vous que c’est bien l’aliment principal que vous souhaitez consommer.


Exemple concret n°1 : Le « faux » guacamole

Vous achetez un « guacamole » pour son avocat, source de bonnes graisses. Mais si la liste commence par « Eau, avocat (28%)… », c’est un signal d’alarme. L’eau est l’ingrédient principal ! L’avocat, lui, ne représente qu’un peu plus du quart du produit. 

Pour obtenir une texture et un goût acceptables malgré cette dilution, le fabricant devra très probablement ajouter des épaississants (comme de l’amidon modifié, E14XX), des gommes (E412, E415) et des exhausteurs de goût (comme le glutamate, E621). Vous payez pour un produit « à l’avocat » mais vous consommez surtout de l’eau et des additifs.


Exemple concret n°2 : La « pseudo » purée de noisettes

Vous cherchez une pâte à tartiner aux noisettes. Une vraie purée de noisettes devrait avoir comme seul ingrédient : noisettes. Si vous lisez « Sucre, huiles végétales (palme, colza), noisettes (13%), lait écrémé en poudre… », vous constatez que le sucre et les huiles arrivent avant les noisettes. Vous n’achetez pas une pâte aux noisettes, mais une pâte sucrée et grasse, aromatisée aux noisettes.

Exemple concret n°3 : Le bouillon de légumes… sans légumes.

Sur un cube de bouillon « goût légumes », la liste peut indiquer : « Sel, exhausteur de goût : glutamate de sodium, matières grasses végétales, sucre, oignon (1,8%), carotte (0,9%)… ». Le sel est l’ingrédient principal. Les légumes, mis en avant sur l’emballage, sont relégués en fin de liste en quantités infimes. Le goût « légumes » vient très majoritairement des exhausteurs de goût, pas des légumes eux-mêmes.

💡 Changement de mindset : du « bon/mauvais aliment » au « qu’est-ce que c’est vraiment ? »

Il est temps de dépasser l’idée simpliste de « bons » et « mauvais » aliments. L’objectif n’est pas de diaboliser les additifs ou les plats préparés, mais de retrouver un alignement entre votre intention d’achat, les diverses informations que vous percevez du produit que vous achetez et la réalité de l’aliment que vous ingérez.

 

Le vrai problème n’est pas de manger un produit avec des additifs ; c’est de penser acheter de l’avocat alors que vous achetez principalement de l’eau épaissie.

  • Si vous voulez un apéritif rapide et fun, des toasts faits avec un « tapis de courgettes » dont la courgette n’est qu’un ingrédient secondaire, ou un guacamole dont l’avocat ne sert qu’à donner la couleur, peuvent tout à fait correspondre à ce besoin. Vous savez ce que vous consommez. 

  • En revanche, si vous cherchez les bienfaits nutritionnels de l’avocat (ses fibres, ses bonnes graisses), le même produit devient une mauvaise option, car il ne répond pas à votre objectif.

La compétence clé décrite ici n’est donc pas de penser en termes d’aliments à exclure ou de devenir un extrémiste de l’alimentation dite « saine »,  mais de développer la capacité à relier l’information sur l’étiquette à la réalité du contenu. En décryptant la liste, vous passez d’un consommateur passif, influencé par le marketing ou à l’opposé par des discours effrayants sur les dangers de l’alimentation actuelle,  à un acheteur actif qui choisit en pleine conscience.

Face à ce flot d’informations techniques, il est essentiel de dédramatiser. L’objectif n’est pas de sombrer dans la culpabilité ou la peur, mais de percevoir, à un autre niveau d’organisation que celui du consommateur, les deux grandes forces contradictoires qui s’affrontent sur l’emballage et qui sont à l’origine de notre confusion intérieure.

D’un côté, une rigueur imposée : la réglementation encadre strictement la sécurité, l’hygiène et l’étiquetage nutritionnel. Les tableaux et les listes d’ingrédients doivent obéir à des règles précises et vérifiables.

De l’autre, une créativité débridée : le marketing, lui, est libre d’utiliser des allégations et des messages soigneusement conçus pour nous attirer et nous rassurer. Si ces allégations doivent bien sur, s’appuyer sur une réalité technique (comme une teneur effective en fibres), elles sont souvent tournées de manière à suggérer un bénéfice santé bien plus large, ou à détourner l’attention des aspects moins glorieux du produit.

C’est précisément ce décalage entre la rigueur de l’information et la séduction de la communication qui nous désoriente. Apprendre à les distinguer est la clé pour retrouver son pouvoir de choix. Alors, quelques clés pour saisir la logique marketing. Celle-ci  n’est pas un monstre, mais elle à un objectif bien commercial qu’il nous faut conscientiser afin de ne pas hiérarchiser l’info commerciale, de la même façon que l’information règlementaire, ni que les discours d’influenceurs effrayants (n’oubliez pas qui vous fait peur volontairement ne vous informe pas ! ).

Les Allégations Marketing : Le Vrai du Faux

Les allégations nutritionnelles et de santé sont strictement réglementées par le Règlement (CE) N°1924/2006. Elles ne peuvent être utilisées que sous certaines conditions, mais leur interprétation par le consommateur peut être biaisée.

  • « Sans sucre ajouté » : Signifie qu’aucun sucre n’a été ajouté lors de la fabrication. Mais le produit peut contenir des sucres naturellement présents (jus de fruits, purées de fruits, lait) et être très riche en sucres. Vérifiez toujours la ligne « dont sucres » du tableau nutritionnel.

  • « Riche en fibres » : L’allégation est autorisée si le produit contient au moins 6g de fibres pour 100g. Cela ne renseigne en rien sur la teneur en sucre, en graisses ou en sel du produit. Un biscuit « riche en fibres » peut être très sucré.

  • « Allégé en [nutriment] » : Signifie que la teneur en ce nutriment (sucre, matière grasse) est réduite d’au moins 30% par rapport à un produit similaire. Attention : « allégé en matières grasses » peut signifier « enrichi en sucre » pour compenser la perte de texture et de goût, et inversement.

  • « Source de » / « Riche en » [vitamine/minéral] : Pour utiliser « source de », le produit doit apporter au moins 15% des Apports de Référence (AR) pour 100g. « Riche en » nécessite au moins 30% des AR. C’est une information fiable, mais là encore, à mettre en balance avec le reste de la composition.

ALORS, QUE FAIRE ?

TOUJOURS comparer pour 100g. La portion indiquée par le fabricant est souvent sous-estimée et peut être trompeuse. Si vous voulez comparer différents produits, regardez la colonne « pour 100 g ».

LIRE vraiment les étiquettes et vous pardonner de ne pas réussir à choisir vraiment. C’est une vraie éducation qu’il s’agit de s’offrir a soi-même. Donc il est nécessaire de s’offrir du temps et de l’empathie. Oui, oui, de l’auto-empathie :-).

ACCEPTER de ne pas savoir. Et donc accepter de travailler un peu pour un nécessaire d’apprentissage.

Ce dernier point mérite quelques développements :

Le Secret de l’Apprentissage : Accepter de ne pas Savoir

Au terme de ce guide, vous disposez désormais de quelques repères pour naviguer dans la jungle des étiquettes. Mais il reste un dernier obstacle, et non des moindres : votre propre tolérance à la confusion temporaire.

 

Accepter de ne pas savoir est la première étape de tout apprentissage.

Devant un tableau nutritionnel complexe ou une liste d’ingrédients à rallonge, il est normal de se sentir submergé, impatient, voire de vouloir renoncer. Le piège serait de croire qu’il faut tout comprendre immédiatement et de jeter l’éponge au premier doute.

Ce moment de flou n’est pas un échec. Il est nécessaire.

C’est le signe que votre cerveau est en train d’intégrer de nouvelles connaissances. C’est le même processus que lorsqu’on apprend une nouvelle langue : on ne comprend pas tout au début, on bute sur des mots, la compréhension est lente. Puis, jour après jour, cela devient plus fluide.

Concrètement, comment faire ?

  1. Soyez patient avec vous-même. Vous n’êtes pas un expert en nutrition après avoir lu un article. Et surtout souvenez-vous : Prendre conscience de quelque chose, n’est pas  égal au travail nécessaire pour développer des outils intérieur de discernement. Ce n’est que le point de départ. Après il faut bosser un peu ! 😉

  2. Commencez petit. Lors de vos prochaines courses, fixez-vous un seul objectif : comparer la teneur en sucre de deux paquets de biscuits, ou repérer le premier ingrédient sur trois produits similaires. C’est déjà énorme.

  3. Tolérez le temps de la vérification. Au début, vous sortirez peut-être votre téléphone pour vérifier la signification d’un additif E415. C’est bien ! C’est le processus d’apprentissage en action. Bientôt, vous le reconnaîtrez sans effort.

En acceptant cette phase d’apprentissage, vous transformez une source de frustration en une aventure de découverte. Vous passez du statut de consommateur passif à celui d’apprenant actif, et c’est là que réside la véritable liberté et le vrai « superpouvoir ».

Note :

Plus...

Concernant nos mécanismes intérieurs : 

Désapprendre pour Mieux Apprendre : Lever le Conditionnement Scolaire

Pour pouvoir véritablement accepter de ne pas savoir, nous devons d’abord prendre conscience d’un conditionnement profond que la plupart d’entre nous portons depuis l’enfance : la peur de la sanction pour une réponse incorrecte.

Rappelez-vous le modèle scolaire qui nous a formatés : une question appelle une bonne réponse. Si nous ne l’avons pas, nous sommes sanctionnés par une mauvaise note, une remarque, ou un sentiment d’humiliation. Nous avons été conditionnés, parfois même traumatisés, à croire que « ne pas savoir » est un échec personnel, une faiblesse à cacher.

 

En conséquence, à l’âge adulte, nous reproduisons ce schéma. Face à une étiquette incompréhensible, notre réflexe n’est pas la curiosité, mais souvent la honte (« Je suis nul(le), je ne comprends rien ») ou la fuite (« C’est trop compliqué, je n’essaie même pas »). Nous « faisons comme si » nous savions, pour éviter de revivre cette sensation désagréable.

 

Mais voici le paradoxe : c’est précisément en faisant « comme si nous savions » que nous nous empêchons d’apprendre.

 

En camouflant notre méconnaissance, nous bloquons le processus à sa source. Nous nous privons de la curiosité qui pousse à poser des questions, de l’humilité qui permet d’être débutant, et de la lucidité nécessaire pour identifier ce que nous devons apprendre.

 

Apprendre à déchiffrer une étiquette, c’est donc bien plus qu’acquérir une compétence pratique. C’est un acte de libération vis-à-vis de ce conditionnement. C’est se redonner à soi-même la permission d’être un éternel apprenti, sans jugement, dans ce domaine comme dans tant d’autres.

Alors, la prochaine fois que vous serez perdu(e) devant une liste d’additifs, souvenez-vous : ce moment de confusion n’est pas un test. Il n’y a pas de mauvaise note. Il n’y a que l’opportunité de découvrir quelque chose de nouveau, pour vous et par vous-même.

Conclusion : La Méthode en 4 Étapes

  1. Regardez la liste des ingrédients : Est-elle courte ? Compréhensible ? Choisissez-vous ce que vous vouliez vraiment manger ?

  2. Scannez les additifs : La présence de nombreux « E… » doit vous informer sur le caractère ultra-transformé du produit. Ce n’est pas une raison pour tout interdire, c’est simplement une information concernant les apports nutritionnels qui seront bien moins présents dans l’aliment en question. ( rappelons que la priorité c’est de manger ce dont nous avons besoin pour fonctionner physiquement).

  3. Lisez le tableau pour 100g : Utilisez les repères (sucres <10g, sel <1g, etc.) pour évaluer la qualité nutritionnelle.

  4. Décryptez les allégations commerciales : Utilisez-les si vous voulez en première indication, mais ne vous y fiez pas aveuglément. Confrontez-les toujours aux informations des étapes 1 à 3.

Alors, rappelez-vous : 

Depuis toujours, nos sens – la vue, l’odorat, le goût – ont été nos premiers guides pour nous nourrir. Ils nous renseignent sur la fraîcheur, la texture, le plaisir immédiat.

Au 21ème siècle, pour faire des choix vraiment éclairés, il nous faut adjoindre à cette sagesse sensorielle une nouvelle intelligence : l’intelligence cognitive. Le décryptage de l’étiquette est cette compétence moderne qui complète et enrichit notre relation à la nourriture. Et cela demande à la fois un peu de travail, et aussi de revenir sur les blocages intérieurs qui font que vous ne lisez pas les étiquettes. Et pas de culpabilité, tout cela est apparu sans jamais que nous ne soyons formés ou informés vraiment sur le sujet.


Il ne s’agit pas de rejeter le plaisir, mais de le conjuguer avec la conscience. En alliant les informations de nos sens à celles de notre raison, nous redevenons pleinement actifs et reprenons le chemin de l’individuation. 

Bonnes courses, et bon appétit !

Sources légales et scientifiques :

  • Règlement (UE) N°1169/2011 (Information des consommateurs)

  • Règlement (CE) N°1924/2006 (Allégations nutritionnelles et de santé)

  • ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation)

  • EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments)

  • Classification NOVA (Monteiro et al., 2019)

  • Étude NutriNet-Santé

  • Recommandations de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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